Un moment de flottement

Pierre Bellemin

Pour cette publication, j’ai proposé aux élèves du lycée Jean Moulin de Béziers d'inter- venir sur un cahier d'écolier, non pas en ecrivant sur les lignes mais en se servant de “la ligne”, celle du dessin. La seule règle étant de ne rien ajouter.

Il s’agit au départ d’une grille, figée et imperturbable, celle du cahier, celle qui depuis très longtemps, supporte la mesure des mots. A partir de celle-ci, j’ai créé une trame permettant de manipuler chacune de ses lignes de façon autonome, via un logiciel de dessin vectoriel. L'espace d'écriture n'est plus limité à la matrice, elle deviens écriture graphique, l'écriture se fait dessin.

On retrouve dans la pensée du dessin beaucoup de façon de l'interpréter. Soit en se servant de règles que l'on définit soi-même, soit en se laissant aller. Ici la démonstration de son savoir-faire n’est pas important, c’est le moment d’absence qui existe dans le dessin, le “laisser-aller” qui importe, se laissé porter par l'abstraction, sans forcer la représentation, et ainsi conceptualiser la ligne.

C'est un cahier d'expériences, une expérience du trait, de l’énergie du geste, où chaque page devient une entité propre, une immensité de possible. Laisser la main faire son chemin, c'est aussi ça le dessin.

« Traditionnellement l’histoire de l’art pense le dessin comme transposition ou traduction d’une forme à laquelle le regard servirait de vecteur naturel. Or le dessin n’est pas trans- cription mais inscription : il procède non par approche et synthèses successives, mais par éloignements et par écarts, selon un scénario qu’un modèle optique ne suffit pas à construire mais qui emprunte au registre du corps et de la gestualité. Emancipé du regard et rapporté au geste, le dessin apparâit comme une puissance de "déliaison". A la lumière de cette hy- pothèse, le caractère provisoire et préparatoire de l’esquisse s’évanouit : inachèvements, répétitions, effacements n’apparaissent plus comme des manques mais comme la manifes- tation de forces qui s’apparentent à celles qui s’exercent dans la formation des rêves. »

Philippe Alain Michaux, "Comme le rêve le dessin ", Comme le rêve le dessin, Paris, Editions du Centre Pompidou / Editions du Louvre, 2005.

Floating Point /2011

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